Images Indelebiles, Koen Wessing - Santiago de Chile, Septembre 1973.
Contrôle de routine
Militaire et prisonnier se battant pour une cigarette (jetée par le photographe lui-même), Stade National
Effaçant les grafitis pro Allende
Il y a quelques semaines, pour mon cours de photographie, je me suis rendue à une exposition d'un photographe Hollandais, Koen Wessing. Pour la première fois s'exposaient au Chili les photos des premiers jours suivant le coup d'Etat militaire. Photos émouvantes, l'angoisse se lit vraiment sur tous les visages. Il faut dire qu'ici on évite plutôt le sujet de la dictature... Quand on évoque l'histoire, il est plus courant et plus facile d'évoquer la Colonisation et du triomphe de l'indépendance, n'oublions pas que les Chiliens aiment leur Patrie plus que tout. L'époque de la dictature n'est d'ailleurs pas au programme de l'Education Nationale. Et pour cause, le sujet divise. J'ai eu l'occasion d'entendre les deux versions. La première est celle qu'on connaît, celle d'un régime totalitaire, des massacres, suppression des libertés individuelles, disparitions mystérieuses et exilés. L'autre version soutient la nécessité d'un retour à l'ordre après l'instauration du socialisme "à la Fidel Castro" et ses conséquences sur l'économie: inflation atteignant des sommets (500%) et puis la faim qui gagne le pays. Beaucoup soutiennent que le Chili ne serait pas ce qu'il est aujourd'hui sans Pinochet... La situation ne pouvait certainement plus durer mais avait--on vraiment besoin d'une dictature pour cela? Il y a encore peu je n'aurais pas imaginé qu'on puisse justifier un tel régime et pourtant...
Voici sur quoi je suis tombée pas plus tard que le week-end dernier !
Pinochet en héros
En tout cas, c'est vrai, il y a bien deux sujets à éviter ici : le football et la politique ! Dans tous les cas, je crois que le pays a su tiré les leçons du passé et est aujourd'hui considéré comme un modèle de croissance pour toute l'Amérique Latine.
Dis moi où tu habites et je te dirais qui tu es
Au Chili on catégorise tout. Les différences sociales et la discrimination sont impressionnantes. Si tu habites tel quartier tu es tel type de personne. On est vite soit "flaite" (équivalent de racailles chez nous ) = délinquant soit "cuico" (riche) = monstre sans coeur. C'est exagéré mais c'est vrai que les uns discriminent les autres parce que les mondes ne se mélangent pas. Le coupable, le voleur est toujours le même... Et si on est attentif, on en revient toujours à la classe sociale. Selon l'université fréquentée, on est de droite ou de gauche, selon la classe sociale on ne supporte pas la même équipe de foot etc. Dans certaines boîtes, il m'est arrivé qu'on demande la carte étudiante. Si vous êtes de telle ou telle université vous entrez gratuitement sinon non (bon si vous êtes étranger et si en plus vous êtes une fille vous entrez de toutes façons gratuitement). La discrimination est également raciale. Les "indigènes", peuple originaire comme les Mapuches du Sud sont considérés comme inférieurs et sont souvent critiqués dans leur lutte pour récupérer des terres que le gouvernement leur a pris. Il en va de même pour les très nombreux immigrants péruviens qui vivent au Chili. On les dits sales, voleurs, encombrant les files dans les hôpitaux, etc.
Consommer, consommer et consommer
Ici, tout est donc dans le paraître et en ce sens le chilien est très consumériste et cherche avant tout à montrer qu'il est meilleur que le voisin. Plus je possède, plus je suis quelqu'un. En Europe celui qui sait est respecté, ici c'est celui qui possède. La quantité de 4x4 et camionnettes en est peut-être la meilleure preuve. Très important : Il faut avoir une GROSSE voiture, une GRANDE télé et surtout qu'elle soit toujours plus grande que celle de mon voisin ! Et puis même si je n'ai pas l'argent, ça fait rien, j'achète à crédit !!! Aaaaah la fameuse "cuota", ils en sont fous et le marché se régale! Ils paient TOUT à crédit : évidemment tout ce qui représente des dépenses importantes mais on paie aussi les vêtements en cuotas, le supermarché, l'essence, le restaurant.... même le MC Do ! C'est systématique quand vous payez par carte, on vous demande en combien de fois vous souhaitez payer! Les gens s'endettent sur des années et surtout se font piéger par des taux d'intérêts exhorbitants! Bref la culture de l'épargne est peu développée et les gens se laissent piéger par de faux avantages, des cartes bancaires de grands magasins (comme chez nous du style carte Printemps, Galerie Lafayette, etc).
Il faudra encore un peu de temps mais je crois que les mentalités évoluent et le pays change vite.
Pour ceux que cela intéresserait, je recommande le film "Machuca" de Andres Wood qui raconte l'histoire d'une amitié impossible de deux jeunes garçons l'un d'une famille "pinochiste" l'autre communiste juste avant le coup d'état de 1973. Excellent film qui aide à comprendre la situation à l'époque.
Chiliennement vôtre.
Besos :)