Depuis quelques semaines s'élève la voix des Chiliens à Santiago depuis l'artère principale de la Alameda jusqu'au Palais Présidentiel de la Moneda mais aussi dans tout le pays et dans de nombreuses villes dans le monde. La raison d'un tel bazar ? 

Un projet géant de construction de 5 barrages en Patagonie dont l'énergie produite doit être transportée jusqu'à Santiago via une ligne électrique longue de plus de 2300 Km. Le projet est entre les mains de deux entreprises chilienne et italio-espagnole qui, ensemble, répondent à 70% de la demande électrique du pays. 

Le Chili connaît un développement économique important. L'énergie est sans doute un des facteurs clés de sa croissance future mais aussi un secteur où le pays est très vulnérable principalement du fait de son extrême dépendance aux importations. 

Les conséquences sur l'environnement du projet sont importantes notamment car les barrages affecteront les rivières et leurs écosystèmes et la ligne électrique traversera notamment de nombreux parcs nationaux. 


En me promenant l'autre jour, je me suis retrouvée au départ d'une des manifestations puis Samedi à un regroupement/concert également en réaction au projet. C'est intéressant d'assister aux mouvements sociaux dans un autre pays. J'étais amusée d'écouter des rythmes de musique latine comme la cumbia, ça fait très festif comme ambiance et les airs sont les mêmes qu'au stade, il n'y a qu'à changer les paroles! La manifestation rassemblait des gens de tout âge et tout milieu social je crois. Les dispositifs de sécurité sont comme au stade ce qui m'impressionnent le plus. Mais on en comprend vite la raison. La semaine dernière, un policier est passé près de la mort attaqué très violemment par les manifestants. Les manifestations sont en effet très violentes et c'est vraiment désolant. Le gouvernement a envisagé de les interdire. La semaine dernière, en arrivant à Valparaiso, rues bloquées, étudiants qui semblaient fuir et puis une affreuse odeur qui prend la gorge et pique les yeux. Et d'un coup, ces espèces de tanks qu'utilisent la police ici. En fait, la police chasse les manifestants à coup d'immenses jets d'eau et de gaz lacrymogènes d'où l'affreuse odeur. Autant dire que ça surprend ! Voir sur cette vidéo par exemple : www.youtube.com/watch

Au final, il me suffit de jeter un oeil à mes photos pour comprendre tout à fait les inquiétudes des Chiliens fasse à ce projet, je ne connais pas la région d'Aysen où seront construits les barrages mais j'ai mis les pieds en Patagonie où les immensités de terres vierges semblent être comme les survivantes dans un monde où l'homme est partout. La nature est si forte là bas, si belle, si grande, qu'on la préserve !

Cependant, s'il y a bien quelque chose qui me dérange dans tout ça, c'est cette fausse conscience environnementale des Chiliens qui protestent mais qui chez eux ne trient pas leurs déchets et ne font certainement pas attention à l'énergie au sein même de leur foyer. Il suffit de se balader à Santiago, regarder par terre, autour de soi, pour se rendre compte que le chemin est encore trèèèèèèèèèèèès long ! S'ajoute à cela qu'on entend peu de propositions alternatives. Les énergies renouvelables seraient-elles suffisantes? Quant au nucléaire, il est de toutes façons difficilement envisageable du fait de l'activité sismique du pays.

Bref, tout ça est sujet à de longs débats dont ceci n'est qu'une bien modeste esquisse.

 

Dans l'article précédent, je vous disais que le football faisait partie des sujets conflictuels au Chili. Et bien, la meilleure façon de le confirmer c'est de se rendre au stade ! 

Le Super Classico, une sacré expérience !

Depuis longtemps on m'avait vanté l'ambiance des matchs au stade. Le Super Classico serait l'équivalent d'un OM-PSG en puissance 10.  Colo-Colo et Universidad de Chile sont les deux grands adversaires, les deux équipes les plus populaires et donc les deux grands rivaux. Ce match est le plus important et nous étions un peu plus de 32 000 spectateurs. 

Seulement un tout petit nombre d'adversaires était autorisé à acheter des places. Les deux équipes ne se croisent jamais.

 A la sortie, les supporters de l'équipe adversaire doivent attendre l'évacuation du stade pour sortir. Lorsqu'on sort, c'est sauve qui peut car malheur si jamais un maillot bleu croise un "indio"...
 

 Tout cela en dit long sur les évènements passés...

 

Effaçant les grafitis pro Allende 

Il y a quelques semaines, pour mon cours de photographie, je me suis rendue à une exposition d'un photographe Hollandais, Koen Wessing. Pour la première fois s'exposaient au Chili les photos des premiers jours suivant le coup d'Etat militaire. Photos émouvantes, l'angoisse se lit vraiment sur tous les visages.  Il faut dire qu'ici on évite plutôt le sujet de la dictature... Quand on évoque l'histoire, il est plus courant et plus facile d'évoquer la Colonisation et du triomphe de l'indépendance, n'oublions pas que les Chiliens aiment leur Patrie plus que tout. L'époque de la dictature n'est d'ailleurs pas au programme de l'Education Nationale. Et pour cause, le sujet divise. J'ai eu l'occasion d'entendre les deux versions. La première est celle qu'on connaît, celle d'un régime totalitaire, des massacres, suppression des libertés individuelles, disparitions mystérieuses et exilés. L'autre version soutient la nécessité d'un retour à l'ordre après l'instauration du socialisme "à la Fidel Castro" et ses conséquences sur l'économie: inflation atteignant des sommets (500%) et puis la faim qui gagne le pays. Beaucoup soutiennent que le Chili ne serait pas ce qu'il est aujourd'hui sans Pinochet... La situation ne pouvait certainement plus durer mais avait--on vraiment besoin d'une dictature pour cela? Il y a encore peu je n'aurais pas imaginé qu'on puisse justifier un tel régime et pourtant...
 

Voici sur quoi je suis tombée pas plus tard que le week-end dernier !

Pinochet en héros

En tout cas, c'est vrai, il y a bien deux sujets à éviter ici : le football et la politique ! Dans tous les cas, je crois que le pays a su tiré les leçons du passé et est aujourd'hui considéré comme un modèle de croissance pour toute l'Amérique Latine.  

Dis moi où tu habites et je te dirais qui tu es

Au Chili on catégorise tout. Les différences sociales et la discrimination sont impressionnantes. Si tu habites tel quartier tu es tel type de personne. On est vite soit "flaite" (équivalent de racailles chez nous ) = délinquant soit "cuico" (riche) = monstre sans coeur. C'est exagéré mais c'est vrai que les uns discriminent les autres parce que les mondes ne se mélangent pas. Le coupable, le voleur est toujours le même... Et si on est attentif, on en revient toujours à la classe sociale. Selon l'université fréquentée, on est de droite ou de gauche, selon la classe sociale on ne supporte pas la même équipe de foot etc. Dans certaines boîtes, il m'est arrivé qu'on demande la carte étudiante. Si vous êtes de telle ou telle université vous entrez gratuitement sinon non (bon si vous êtes étranger et si en plus vous êtes une fille vous entrez de toutes façons gratuitement). La discrimination est également raciale. Les "indigènes", peuple originaire comme les Mapuches du Sud sont considérés comme inférieurs et sont souvent critiqués dans leur lutte pour récupérer des terres que le gouvernement leur a pris. Il en va de même pour les très nombreux immigrants péruviens qui vivent au Chili. On les dits sales, voleurs, encombrant les files dans les hôpitaux, etc. 

Consommer, consommer et consommer

Ici, tout est donc dans le paraître et en ce sens le chilien est très consumériste et cherche avant tout à montrer qu'il est meilleur que le voisin. Plus je possède, plus je suis quelqu'un. En Europe celui qui sait est respecté, ici c'est celui qui possède. La quantité de 4x4 et camionnettes en est peut-être la meilleure preuve. Très important : Il faut avoir une GROSSE voiture, une GRANDE télé et surtout qu'elle soit toujours plus grande que celle de mon voisin ! Et puis même si je n'ai pas l'argent, ça fait rien, j'achète à crédit !!! Aaaaah la fameuse "cuota", ils en sont fous et le marché se régale! Ils paient TOUT à crédit : évidemment tout ce qui représente des dépenses importantes mais on paie aussi les vêtements en cuotas, le supermarché, l'essence, le restaurant.... même le MC Do ! C'est systématique quand vous payez par carte, on vous demande en combien de fois vous souhaitez payer! Les gens s'endettent sur des années et surtout se font piéger par des taux d'intérêts exhorbitants! Bref la culture de l'épargne est peu développée et les gens se laissent piéger par de faux avantages, des cartes bancaires de grands magasins (comme chez nous du style carte Printemps, Galerie Lafayette, etc). 

Il faudra encore un peu de temps mais je crois que les mentalités évoluent et le pays change vite.

Pour ceux que cela intéresserait, je recommande le film "Machuca" de Andres Wood qui raconte l'histoire d'une amitié impossible de deux jeunes garçons l'un  d'une famille "pinochiste" l'autre communiste juste avant le coup d'état de 1973. Excellent film qui aide à comprendre la situation à l'époque. 

Dans quelques jours je fêterai mes 9 mois au Chili, neuf mois sur douze... le calcul est vite fait.

La croissante rareté des articles de ce blog est peut-être la meilleure preuve que le temps m'échappe.
Les feuilles jaunisses, je renfile le bon vieux sweat le soir et ferme la fenêtre la nuit. Les semaines s'enchaînent sans que jamais ne se pointe la moindre routine. 

Le vent tourne. Mon sac à dos reste perché sur l'armoire et ne réclame rien. Comme un poisson dans l'eau, je suis bien et profite des choses les plus simples car " il n'y a pas de moments ordinaires".  Chaque jour j'ai un peu plus envie de me rapprocher de leur vie à eux. Aller à la fête des vendanges, aller voir Colo Colo (l'équipe de foot la plus populaire) au stade, vivre l'ambiance d'un concert de Chico Trujillo, un barbecue au parc un dimanche après-midi, un week-end dans une cabane à la plage entre amis et goûter le froid du Pacifique, monter le San Cristobal au coucher du soleil et  voir Santiago illuminée et la Cordillière des Andes, déambuler dans la ville et prendre des photos, se poser sur un banc Plaza de Armas et "discuter le bout de gras", au détour d'un passage rencontrer cette petite fille et son vélo Barbie: [...] " Comment c'est la France ? C'est joli ? " [...] " Ne m'oublie pas et puis si tu reviens par ici, rapporte moi un cadeau de France, une photo quelque chose comme ça"  

 

Toutes ces choses à faire ou à refaire. Enfin, il n'y a rien de plus merveilleux que de se coucher et de savoir que "demain sera encore une bonne journée" 

Samedi 26 Février, Aéroport Arturo Merino, la tête encore un peu dans le sac de la soirée de bienvenue des nouveaux de la veille, je fixe l'écran et la question essentielle que tout le monde se pose à ce moment là: Prendront-ils la sortie de droite ou celle de gauche ?

Enfin les voilà ... !! Dieu, qu'ils sont ... blancs ! 

Mon défi : effacer cette affreuse pâleur, leur faire oublier le temps de 2 semaines vaches et autres congés d'angles, leur ouvrir une fenêtre sur ma vie et sur le Chili.

Le marathon commence à Santiago. Un court déjeuner, une douche, on quitte le polaire, on enfile le short et on file dans le centre. Petit tour traditionnel : Plaza de Armas, palais présidentiel "La Moneda" puis Bellavista, le quartier bohème et animé et enfin on grimpe le San Cristobal. 

Le lendemain, nous sommes invités à déjeuner ! La maman de la petite à qui je donne des cours de Français qui s'avère être la responsable d'un cousin Boisgontier (Mamie et ses cousins à travers le monde !) nous acceuille chez elle, l'occasion pour tous de se connaître. Au Menu, pisco Sour (mmmmmmmmmh), asado évidemment (barbecue), salades et fruits frais d'été ! On se régale, on parle Français, Espagnol. Plus tard dans l'après-midi, Ivanny nous emmène visiter un très beau vignoble. Nous passerons une excellente journée !


Puis le marathon continue, direction la ville aux quarante deux collines. Comme prévu, Valparaiso a su jouer de tout son charme ! On monte, on descend, on passe évidemment chez Pablo Neruda, on mange dans un restaurant aussi surprenant que délicieux, Papa prend en photo tous les fils électriques (très caractéristique de Valparaiso et d'ailleurs, les fils électriques s'entassent, pendouillent, un vrai fouilli), enfin "un coup de bus"... et ça c'est une expérience ! Ces petits bus roulent comme des fous et dans une ville où toutes les rues montent et descendent, sont étroites et sinueuses, ça surprend forcément et ça amuse beaucoup Papa et Maman! 
 

De retour de Valparaiso, nous décollons le lendemain pour Temuco et la région des Lacs qui se situe à environ  700 km au Sud de Santiago. Là bas nous attend une voiture de location. Nous resterons une semaine parcourant toute la région jusqu'à l'île de Chiloe.

Pucon - On va d'abord faire trempette dans des thermes naturels avant d'entamer le lendemain l'ascension du Volcan Villarica ! 2847 m, 5h d'ascension dans le sable puis dans la neige ... Papa et Maman sont loin devant, moi derrière je peine !

Mais une fois arrivés en haut, le spectacle est époustouflant. Une magnifique vue sur toute la région et puis le cratère ! Des roches de toutes les couleurs et puis la fumée car le Villarica est un volcan en activité. 

La descente ensuite se fait en luge !!! Un très bon moment également ! Youhouuuuuuuuuuuuuuuu :) 

La suite du voyage, nous descendrons à Chiloe où nous attendent de belles aventures encore ! On dort à la ferme chez Maria et nous retrouvons 30 ans en arrière, on se rendra à la "pinguinerie" (pingüinera) aussi. Papa se souviendra des pistes de cailloux. Osorno ensuite, balades en forêts, on s'arrête dans une autre ferme (et après on cherche le dépaysement!), mais cette fois il s'agit d'une vraie industrie (Osorno est la région du lait et de la viande). Enfin on remonte sur Valdivia, une belle balade en forêt et le lendemain on embarque sur un bateau pour une petite croisière sur la rivière. Nous continuons notre retour vers le Nord et rentrons à Temuco. Une belle semaine aux activités bien variées ! Je retiens particulèrement la rencontre et l'accueil des habitants.

Retour sur Santiago et une journée qui fonce un peu le tableau. D'abord, nous avons dû payer le remplacement du pare-brise de la voiture et à peine arrivés à Santiago, Papa est victime de talentueux pick-pocket ! Passeport, carte bleue et  pas mal d'espèces... la panique! Commissariat et lendemain consulat. Finalement, tout s'arrange et ils pourront prendre leur avion normalement le soir même. On apprendra que 4 à 5 Français débarquent au consulat chaque jour pour vol ! Ces types sont de véritables magiciens. Généralement, ils se spécialisent ici et s'en vont ensuite en Europe! 

Papa et Maman repartent tout de même contents je pense et en tout cas bien moins blancs ;) !!! 

Moi, j'ai repris mon rythme. Retour joyeux sur les bancs de l'université après 3 mois d'absence ! Mes cours sont intéressants, l'emploi du temps reste tout de même tranquille... Je me mets à la photo, commence bientôt un programme de volontariat et continue à donner des cours de Français. Entre tout ça, les petits nouveaux sont arrivés, de nouvelles rencontres donc. Le soleil est toujours là, l'automne se note lorsqu'il commence à faire sombre vers 20h maintenant, les nuits se font plus fraîches aussi... L'horloge tourne, les pages du calendrier semblent m'échapper alors même que chaque jour, je m'enracine un peu plus...
 

Janus Lumignon